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La série « Empire of Dust » de Amélie Labourdette explore les strates de l’histoire des communautés humaines, éclairant les caractéristiques sociales et esthétiques d’un paysage modifié par la présence de constructions inachevées : les ecomostri, ces créatures de béton dressées au creux d’une vallée, ou à flanc d’une colline.

L’artiste, récompensée par un Sony Photography Award dans la catégorie architecture en 2016 pour cette série, présente sa première exposition personnelle à la Galerie Thierry Bigaignon.

Photographies couleur, signées, datées, numérotées et encadrées. Format 115 x 135 cm. Edition de 3 ou 5 selon les images.

Empire of Dust explore en effet une Italie peuplée d’ecomostri. Le néologisme désigne une pluralité de situations
renvoyant à des constructions inachevées, signalées comme étant en inadéquation avec le paysage, offensant le
regard. Certaines constructions sont publiques, d’autres privées. Les unes sont illégales, les autres manquent de
subsides pour être achevées, les autres encore sont prétextes au blanchiment d’argent. Des villages entiers, des
complexes hôteliers, des tronçons d’autoroute, des ponts, des villas isolées. Elles dévoilent au-delà même de
leurs formes et de leurs typologies plastiques des réalités qui traversent l’économie et la société de l’Italie du
Sud : blanchiment d’argent, détournement de fonds, activités mafieuses, absence de considération pour le bien
commun.
Empire of dust – Amélie Labourdette
Les squelettes de béton de grands projets restés en suspens, les buildings inachevés, stigmates récurrents de
notre époque affectée par des bouleversements socio-économiques, illustrent, malgré leurs imposantes dimensions, un vide manifeste, et on perd de vue leur fonction première, l’usage auquel le projet initial les dédiait. Ces formes indéfinies, entre ruines à venir et sculptures potentielles, dessinent les contours d’un étrange présent
entre la dystopie et l’utopie, irréel, statique, un pan d’histoire sur lequel plane avec poésie le spectre de la fin d’un certain monde.
Empire of dust – Amélie Labourdette
En s’interrogeant sur la notion de territoire à construire, à s’approprier ou à redéfinir artistiquement, Amélie
Labourdette cherche à révéler les multiples strates d’identités et de temporalités d’un paysage. Elle construit et
réalise ses projets photographiques sur la base d’un état de choses existantes. Elle utilise le paysage en tant que
reflet de l’histoire, d’une époque parfois révolue, de notre imaginaire.
Empire of dust – Amélie Labourdette
La lumière opaque, dense, et l’absence d’ombres évoquent tour à tour au spectateur la photographie de
Düsseldorf, les sculptures minimalistes des années 60 ou encore les interventions monumentales du Land Art. On
se remémore également les ruines de la peinture romantique allemande ou les « ruines prospectives » des
romans de science-fiction, décrivant une ère post-humaine où la nature reprend le dessus sur les constructions
humaines. C’est que ces « ruines », pour Amélie Labourdette, sont des « trous dans le réel », des portails, des
manières d’accéder au temps lui-même : face à celles-ci, nous devenons les archéologues de notre temps, nous
portons, à la manière de l’astronaute de La Planète des Singes, un regard rétrospectif sur notre présent, sur notre
avenir aussi.
Empire of dust – Amélie Labourdette
Pour le critique d’art et commissaire d’exposition Théo-Mario Coppola : « La série Empire of Dust livre les traces
d’une archéologie du présent, avec ses restes, ses indices, ses histoires aussi. L’artiste ne les fixe pas pour les intégrer à un catalogue raisonné à la manière de Bernd et Hilla Becher, mais les choisit plutôt pour construire, sans prétendre à l’exhaustivité, un ensemble de formes sculpturales. Elle ne s’attarde pas non plus sur le spectaculaire et ses effets, mettant aussi à distance l’immédiateté du regard. Et ces clichés ne sont pas des documents. Car ces architectures sont aussi saisies pour leur force et leur présence physique, prises dans un environnement naturel, parfois difficilement accessible. Elles sont l’expression d’une émotion individuelle, d’une relation du corps à l’architecture, d’un journal d’exploration ».

Exposition du 9 novembre au 23 décembre 2017
Vernissage jeudi 9 novembre de 18 à 21h
Galerie Thierry Bigaignon
9 Rue Charlot
75003 Paris

Gratuit du mardi au samedi de 12h à 19h